Samedi, février 29, 2020

Beaucoup m'ont demandé: « Comment est-ce que je me sens, face à la sécheresse qui affecte gravement de vastes régions de l'Australie, aux feux de brousse catastrophiques qui ont brûlé près de 19 millions d'hectares de terres, ont détruit quelque 2 780 maisons et 6 000 autres bâtiments, ont dévasté des exploitations agricoles, du bétail, des vergers, des cultures et au moins un milliard d'animaux indigènes et ont perturbé de façon massive la vie quotidienne normale. » Je ressens un mélange de tristesse, de colère, de frustration et d'étonnement, teinté d'un certain soulagement pour ne pas avoir eu de feu chez moi. Mais ceci induit aussi un sentiment de culpabilité pour n’avoir pas été "directement touché par le feu".

Malheureusement, trente quatre personnes ont perdu la vie. Vu la férocité des incendies, ce nombre aurait pu être plus élevé. De nombreux incendies brûlent encore. Les nouvelles chaque soir montrent la souffrance des individus et des communautés face aux sécheresses graves, aux feux de brousse catastrophiques et aux records quotidiens de température. Les effets sur les personnes, les familles, les communautés, les villages et les petites villes, avec dans de nombreux cas de longues périodes sans électricité, communications, nourriture ni eau et les destructions à une telle échelle demanderont des années de reconstruction. L’impact financier sur l’économie du pays sera énorme avec déjà des dédommagements à apporter par les assurances pour plus de 750 millions de dollars. Avec tous ces défis menaçant notre survie, le bien-être mental et physique des gens devient une préoccupation majeure. De tels moments si difficiles font ressortir à la fois le meilleur et le pire des gens.

Notre économie est axée sur l'extraction minière, notamment énormément de charbon. Nous sommes l'un des contributeurs importants à l'augmentation des gaz à effet de serre. Comme continent, l'Australie a un climat sec et la flore et la faune ont évolué autour des feux de brousse, avec de nombreuses espèces végétales ayant besoin de feu pour générer une nouvelle croissance. Les peuples autochtones ont utilisé le feu pour créer une nouvelle croissance afin d'attirer des animaux pour leur alimentation. Il s’agissait de petits incendies réguliers, locaux et «froids», permettant aux animaux indigènes d’échapper aux flammes.

La sécheresse et les incendies étaient-ils évitables? En réalité, probablement pas, mais il y a assez de preuves pour dire que les activités anthropogéniques, les activités humaines qui causent des dommages (directement ou non) à l'environnement à l'échelle mondiale incluent la croissance de la population, la surconsommation, la surexploitation, la pollution et la déforestation, la combustion de fossiles carburants, et bien d’autres encore…

A 75 ans, j'ai vu de mon vivant de nombreux changements technologiques, de modes de vie et d'utilisation des terres, et aussi un bon nombre d’incendies et de sécheresses. Grâce à mon expérience de terrain,  comme agriculteur propriétaire j’ai du assumer le contrôle d'une parcelle de terrain et avec lui l'obligation d’en prendre soin et de le préserver pour les générations futures, et aussi les responsabilités annexes de devenir occasionnellement le pompier combattant pour défendre la terre contre les feux de brousse.

Si on accepte que le changement climatique et les catastrophes naturelles soient liés, alors les ruraux Australiens seront ceux qui subiront la destruction causée par le changement climatique ou les conditions météorologiques «nouvelles normales». À mesure que l'impact du changement climatique s'aggrave et que les villes négligent toujours plus les régions rurales, la dépendance à l'égard de l'économie rurale pour notre prospérité sera malheureusement érodée.

L'un des facteurs contribuant aux tornades de feu massives dans le pays vient en partie des décisions bureaucratiques prises sur des décennies, incorporant de vastes zones de terres dans des réserves et parcs nationaux où il n'y a pas eu de pâturage annuel depuis des années ni de réduction de la végétation pour réduire la prise au feu à un niveau minimal.

Beaucoup d'électeurs savent que le changement climatique est réel et important et ils disent qu’il faut en traiter les causes et trouver des solutions. Ce sentiment va probablement se renforcer. Les incendies et la sécheresse rappellent aux gens que notre niveau de vie élevé dépend de la nature et que les fondements mêmes de notre bien-être disparaissent lorsque la nature perd son équilibre.

La sécheresse et les feux de brousse ont mis la politique du changement climatique au premier plan des préoccupations du public. La sécheresse affecte plus les agriculteurs que nos cousins des villes, mais les pénuries d'eau (niveaux arrivés très bas) impacteront les grandes villes. 2020 sera peut-être l'année où les échéances politiques commenceront à traiter de ce qu'il faut faire spécifiquement face au changement climatique plutôt que de réfléchir à la nécessite ou non d'agir. S'il devait y avoir un programme national de construction, Il est bien là.

Mon engagement dans le Dialogue entre Agriculteurs a commencé à la fin des années 1990. Depuis, l’accent mis sur la lente augmentation des gaz à effet de serre et les mesures correctives nécessaires pour ralentir l’augmentation des températures ont été presque totalement ignorés – c’est le cas dans mon pays - par ceux qui se soucient plus de leur richesse personnelle que de la santé mondiale.

En conclusion, une petite voix venant du désert : J'ai hâte de voir un concert de changements mis en œuvre pour donner un avenir durable aux petits-enfants de nos petits-enfants.